Le château

Actuellement, on aborde le château par une petite allée en bout de la place de l’église et l’on voit d’abord un porche surmonté d’un pigeonnier carré, avec lanternon d’envol du XVIIème siècle. Ce pigeonnier présente un plafond voûté ainsi que des ouvertures du genre « meurtrières ».

Le château lui-même est bâti sur un socle rocheux. Sa façade principale regarde le sud. De style « Renaissance », ces fenêtres à meneaux sont surmontées de frontons, sans symétrie véritable. En regard de la porte d’entrée, on remarque un « tambour de pierre » donnant à cette façade un relief particulier.
On peut y lire : Glans (le gland) – leo (le lion) – cervus (le cerf) – nomena (sont mes noms).

Allusion aux armoiries des familles qui ont habité Balsac : le grand emblème des Glandières, le lion figurant chez les Faramond, le cerf constituant les armoiries parlantes des Serres. Et en dessous A.V. fecit MLCCXXVII (1727), ce qui donne la date de construction du tambour ainsi que les initiales du maître d’œuvre.
On distingue plusieurs corps de bâtiments, la partie la plus ancienne étant constituée par le donjon au nord, avec ses 5 niveaux. Datant du XIVème siècle, il a gardé à l’extérieur quelques beaux corbeaux de pierre.

Le corps principal présente, lui, 4 niveaux. Un bâtiment annexe, accolé à l’édifice principal à l’ouest, est décrit comme  la « Maison Glandières ».
Sur la tour d’angle sud-est, on aperçoit un cadran solaire daté de 1577 ; marquant (presque !) l’heure solaire. La date de 1577 n’est pas anodine : Bertrand de Glandières, seigneur de Balsac à l’époque, était un fidèle du roi Henri III qui l’avait fait chevalier de St-Michel… en 1577. Y-a-t-il eu un lien entre les 2 faits ? Nul ne le sait.

Parmi les tours, la plus large contient l’escalier à vis menant au 3ème étage. La petite tour sud-est présente un toit plat, ce qui parfois, traduit une sanction judiciaire. On pense plutôt ici à une reconstruction incomplète après un incendie au XVIème siècle.

Les maisons anciennes voisines  (vers l’ouest) ont fait autrefois partie du domaine seigneurial. Par ailleurs, au bout de la pelouse en face sud, on remarque une dénivellation avec le champ adjacent : s’agirait-il de l’emplacement d’anciens fossés ?

Pour les plus férus d’histoire ou les curieux, voici retracé l’histoire de ces principaux occupants.

les origines

Dès le XIIème siècle, une famille noble de Balsac (ou Balzac) apparaît, tirant son nom de son lieu d’origine : Hélias de Balsac en 1184, Bernard de Balsac en 1268. Puis la féodalité entraine des regroupements puisque l’on trouve des co-seigneurs de Balsac, Capdenaguet, Pessengues et le Colombier, actuellement des lieus-dits autour du village. On retrouve ainsi les noms d’Adhémar de Panat, de Pénavayre, de Roquetaillade. A la fin du XVème siècle (1474), les noms de Serres et et de Glandières apparaissent : Guillaume de Glandières, époux de Ricarde Serres, rachète la co-seigneurie en 1502. Leur fils Bertrand se retrouvera ensuite seul maître du fief et du château de Balsac.

LES GLANDIERES (XVIème siècle)

Le plus connu des Glandières est Bertrand, petit-fils de Guillaume, époux (en 1551) de Françoise de Laudun, qui participe aux combats contre les huguenots. En 1570, il est vaincu par le sire de Montagut, qui le fait prisonnier, « brûle sa maison de Balsac » et exige une rançon, que paieront les Etats Généraux du Rouergue. Plus tard, la conduite de ce Bertrand et sa fidélité au roi, lui vaudront d’être promu, en 1577, chevalier de l’ordre de Saint-Michel. L’incendie de 1570 a probablement atteint surtout l’extérieur de la demeure. La façade a été alors reconstruite dans le goût  « Renaissance » Et par nécessité, ils ont dû être obligés de couvrir la tour sud-est d’un toit plat. Le donjon est resté, lui, dans l’esprit de sa création.

La reconstruction du château avait été entreprise par Bertrand de Glandières, aidé par son fils Louis (1561-1601). Ce dernier est un personnage original. Certes, il restera militaire comme son père, mais il était d’abord parti pour Paris étudier sous la direction de Daurat, un des sept de la « Pléiade », lequel avait encouragé son goût pour la poésie. Il avait donc publié dès 1578 un recueil de vers dédiés à Henri III, puis différentes poésies sur les personnages du Rouergue, et même une tragédie, « Mustapha ». La notoriété de Louis de Glandières avait, en son temps, dépassé largement le cadre local. Louis de Glandière aura pour fille Anne qui épousera Jean de Faramond en 1613 et fera ainsi entrer Balsac pour deux siècles dans la famille de Faramond.

LES FARAMONDS (XVIIème et XVIIIème siècles)

L’aîné des sept enfants du couple Jean de Faramond-Anne de Glandières, se trouve être René de Faramond (1616-1689), homme courageux, mais entier et susceptible, à qui surviendra l’aventure tragi-comique, contée ci-dessous, du siège du château par les Ruthénois.
Une nuit de mai 1660, le seigneur de Balsac est réveillé par des cris provenant du village : une quinzaine d’hommes armés y jettent le trouble, tentent de piller une ferme et d’emmener avec eux la fille du fermier « qu’ils trainent par les cheveux ! ». René de Faramond s’interpose et l’échauffourée qui s’ensuit aboutit à la prise de quelques trublions. Les autres fuient à Rodez qui s’émeut. Deux jours plus tard, une petite armée se dirige vers Balsac, forte de deux canons datant de 1580 ! Sur place le curé François Martin, en litige avec le seigneur, leur ouvre l’église, y installe les chevaux. Tous ripaillent et boivent du vin fourni par le curé.

Le lendemain, deux circonstances vont retourner la situation. D’abord les canons se refusent obstinément à tout service ! Ensuite, le jardinier du château a l’idée géniale de disposer dans les meurtrières des pots de fleurs vides, inclinés sur leur axe, qui donnent de loin l’impression qu’une formidable artillerie est prête à répondre au feu des assaillants. Ces derniers se découragent donc et retournent à Rodez. Les assiégés sont restés maîtres du terrain. Les comptes-rendus du siège font état, pour la défense du château, « de gros murs solides, des portes armées de herses, des remparts à escalader, des fossés à franchir »… Un autre récit signale en outre, l’existence d’un pont-levis. Ces différents éléments ont successivement disparu au cours des années ultérieures.

La lignée de Faramond se poursuit tout au long du XVIIIème siècle. Le tambour de pierre de 1727 sur la façade du château est l’œuvre de son fils Jean-Jacques (1674-1755). Le propre fils de ce dernier, Augustin-Alexandre, fait établir à la mort de son père un inventaire de la propriété, dont on peut tirer quelques observations intéressantes :

  • Le nombre de chambres : il y a en tout 9 chambres et 21 lits, avec paillasses, matelas et couvertures diverses. Les rideaux sont épais (la protection contre le froid constitue une préoccupation permanente). Certaines cheminées servent à cuisiner, pourvues de  « pièces de fer pour tenir la broche ». En plein hivers, on ne quittait pas la chambre de plusieurs jours !
  • Les chambres sont très meublées (au moins 2 fauteuils, 5 à 7 chaises, 1 à 2 tables), parfois pourvues de recoins (bouges) pouvant recevoir coffres, chaises ou « bouteilles à liqueur » !
  • Dans la cuisine, on décrit une longue table avec 2 bancs et une grande quantité d’objets culinaires. Les fariniers contiennent 5 setiers de froment (le setier, mesure de capacité, valait à Paris, en blé, 12 boisseaux, environ 240 livres, et en vin,  8 pintes), 1 setier de farine de seigle, 6 setiers de farine de tourte. La salle à manger comporte 18 chaises, des flambeaux, salières, huiliers, et même une fontaine de cuivre.
  • Enfin dans le galetas (grenier), on signale des coffres, des chaises, un berceau, une barrique de vinaigre, des objets divers. Il y a aussi 3 greniers. Celui du « froment », celui du « seigle » et enfin de l’ »avoine » ! A l’opposé, les caves contiennent 7 tonneaux et 18 barriques de vin blanc et rouge.
  • Dans les bâtiments annexes, on trouve une charrue, un pressoir, un cuvier, des provisions en blé, avoine et foin, et des animaux : 2 bœufs, 2 mulets, 1 cheval, 30 poules, 2 coqs et 5 chapons.
  • La bibliothèque du château comporte 21 ouvrages dont 19 religieux (du Nouveau Testament à des biographies édifiantes et à un ouvrage janséniste), les 2 derniers livres étant consacrés à l’histoire de France (Mézeray), et à un dictionnaire latin-français.

Le siècle s’achève avec cet Augustin-Alexandre (1712-1793), vieux baroudeur, célibataire, le seul de sa lignée à ne pas avoir été enterré à Balsac. Il est en effet mort à Albi après avoir vendu son domaine, peu avant la révolution, à un négociant de Rodez, Guillaume Graille. L’acte de vente de 1779 est précieux à ce sujet à cause des descriptions précises.

  • Les terres cédées représentent un certain nombre de prés, avec arbres fruitiers : au moins 350 noyers, des poiriers, des pommiers), des vignes (4 000 souches) et au moins 3 bois (Limouze)
  • Le terrain situé dans l’axe de la façade sud, est alors traversé de bout en bout par une allée garnie d’arbres. Le jardin, devant la façade, également entouré de murailles (entendu au sens murs) comprend un puits, 4 cabanes, une pièce d’eau, des arbres fruitiers et un jardin potager. Seul le puits persiste à l’époque moderne.
  • Toute la basse cours est entourée d’une belle muraille. On décrit le portail de l’époque (correspondant à l’accès actuel) et « par-dessus ledit portail, un pigeonnier, un grand nombre de pigeons fuyards, des tablettes, une tables, une bonne porte ainsi que la plateforme qui est devant la porte dudit pigeonnier, et l’escalier ». L’aspect est resté globalement le même.
  • Avant ledit portail, il y a une belle avenue avec murailles neuves, un puits couvert avec belle auge de pierre pour faire boire les chevaux, 3 bancs de pierre et 3 marronniers de chaque côté ». Actuellement, les abords de cette avenue ont été construits, les bancs de pierre ont disparu mais le puits est toujours là et il persiste un seul marronnier ancien du côté sud.
  • On décrit en outre en entrant (côté est, un jardin, des bâtiments contenant un lessivier, des étables à cochons, un pressoir, une remise, des écuries, des étables, des granges. Du côté opposé à l’ouest, on trouve un autre jardin potager, une seconde basse-cour avec plusieurs granges, un poulailler, des étables et des écuries ! Les espaces ont maintenant bien changé…

BALSAC au XIXème siècle

Guillaume Graille meurt en 1792. Sa fille Rose (1766-1847) qui a épousé en 1786 Antoine Villat, négociant, hérite de Balsac. Après sa mort, leur fils Joseph Villa hérite, mais, resté sans postérité, il lègue à sa mort en 1860, sa fortune à son cousin Armand Graille, juge de paix à Salles-Curan. C’est alors que le château va être démembré, car le nouveau propriétaire va vendre séparément tout ce qu’il pourra. On aboutira à la situation suivante :

  • Le corps du château est vendu en 1867 à M. Léon Mouly, avoué à Rodez, qui vend à son tour en 1882 à M. Jean-Pierre Gabriac, propriétaire cultivateur. A la fin du siècle (1896), M. Gabriac fait de même au profit de M. Ernest Mercadier, Directeur d’études à l’Ecole polytechnique.
  • Pendant ce temps, le donjon sera acquis par M. Louis Bernat (1800-1868), premier maire de Balsac après la reconstitution de la commune en 1866. Celui-ci, célibataire, lègue ses biens à son neveu Auguste Bernat, horloger à Rodez. Ce dernier, qui deviendra à son tour maire de Balsac jusqu’en 1911, vend en 1883 la tour à M. régis de Fajole, Saint-Cyrien. En octobre 1896, M. de Fajole, devenu capitaine, cède la tour à M. Mercadier, déjà propriétaire du corps principal (depuis janvier 1896), qui peut donc reconstituer l’unité du bâtiment.
  • La maison Glandière et les bâtiments décrits en 1779 comme composant la basse-cour ouest, de même que les prés, vignes, bois et terres diverses, ont été dépecés. Parmi les acheteurs, on retrouve les noms d’Eugène Cayla dés 1866, de Cabantous, de Roussel, de Joseph Vacaresse. Mais les habitants les plus anciens racontent que, jusqu’au XXème siècle, le corps du château était entouré à l’ouest de 3 tours comme celle du côté est. Ces tours ont été détruites au XXème siècle, à la suite de la chute d’une cheminée du château et de la dégradation progressive liée au passage des engins aratoires.
  • Autre précision, les ventes de Bernat et de Fazjole à Mercadier, ne comportent pas la cave dépendant de la tour et donnant sur la rue : Bernat se la réserve, et la vendra à M. Cayla et à ses successeurs lorsqu’ils auront acquis de Vacaresse la maison Glandière.

BALSAC au XXème siècle

M.Mercadier achète un château inoccupé, qui a même servi de « maison d’école » (la vente du château a accéléré la construction d’une nouvelle école au début du XXème siècle, école conçue suivant les critères bien précis de l’époque : la direction au centre, garçons et filles de chaque côté, avec un préau autonome pour chaque catégorie). Dans une lettre à ses petites-filles, l’acquéreur parle de son séjour à Balsac, en avril 1897 : « Tout n’est pas rose dans la vie de château… Il y a plus de 10 ans que je n’ai eu aussi froid !! Les pigeons sont les maîtres au 3ème étage et se sont de rudes maîtres ! Mon premier soin a été de les chasser, de tout fermer et de faire un nettoyage des planchers… La vue est belle : il y a bien 200 arbres fruitiers, 500 ou 600 pieds de vigne et une centaine d’autres arbres… ».

M. Mercadier avait épousé la fille d’dAdrien Rozier, maire de Rodez sous le Second Empire. Elle était veuve de M. Valière, négociant à Rodez, dont elle avait eu 2 enfants. Après la mort de son mari (qui entre-temps aura été maire de Balsac), elle restera au château. A sa mort en 1910, ses enfants héritent, mais aucun n’habite Balsac. Le seul garçon, Laurent Valière (1874-1941), journaliste, vendra le château en 1920 à Henri Bousquet (1865-1953), agrégé de lettres, fondateur de la radioélectricité en France, président de la Société des Lettres de l’Aveyron.

Sans y habiter, Henri Bousquet viendra souvent à Balsac. Après sa mort, son neveu Henri Bousquet (1918-1999), biologiste à Aurillac, héritera du domaine qu’il finira par vendre en 1968 au Dr Jean Gavalda, médecin cardiologue à Rodez. Ce dernier vendra à son tour la propriété en 2000, au Dr et Mme Michel de Pontville. Toutefois, la maison Glandière et les constructions de la basse-cour ouest de trouvent toujours, depuis 1866, entre les mains de la famille de M. Cayla (actuellement M. Lucien Rous).

Voici donc, résumée, l’histoire du château de Balsac. En fait, toute histoire de lieu ou de demeure va bien au-delà des apparences, car elle mobilise toujours une part d’imaginaire.

 Un monde disparu renaît, composé de ceux qui ont vécu là, y ont souffert, y sont morts. Des ombres fugitives accompagnent celui qui veut bien rester sensible à leur présence impalpable. Ce qui fait que, si la leçon des siècles porte à l’humilité, elle peut aussi créer un dynamisme nouveau, puisque « la sève des printemps jaillit des feuilles mortes »… (François Fabié)

Cet article a été rédigé par Dr de Pontville, aujourd’hui décédé. Nous remercions Madame et Monsieur de Pontville de nous avoir, en leur temps, ouvert leurs portes, et accueilli aimablement.